lundi 31 mars 2025

Royaume-Uni ! version officielle : une dissuasion nucléaire indépendante sur le plan décisionnel.

 


Version officielle : une dissuasion nucléaire indépendante sur le plan décisionnel.

Plusieurs discussions ont lieu actuellement sur les plateaux de télévision des chaînes d'informations en continu sur la dissuasion nucléaire du Royaume-Uni.

De nombreuses interrogations et méconnaissances de spécialistes se divisent sur l'action du bouton nucléaire de ce pays et se demandent s'ils doivent le partager avec les États-Unis. La réponse officielle est :

NON !  en voici la réponse exacte.

Le Royaume-Uni possède une force de dissuasion nucléaire autonome en termes de décision d’emploi. Cette capacité repose principalement sur le système Trident, qui équipe ses quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la classe Vanguard. Voici les éléments clés de la version officielle :

  1. Indépendance opérationnelle :

    • La décision d’utiliser l’arme nucléaire revient exclusivement au Premier ministre britannique. Il n’existe pas de mécanisme de "double clé" ou de veto américain intégré dans le processus décisionnel. 

    • Cette autonomie est un principe fondamental de la doctrine de dissuasion britannique, conçu pour garantir que le Royaume-Uni puisse répondre de manière souveraine à une menace existentielle, notamment en cas d’alerte nucléaire immédiate.

    • Le ministère de la Défense britannique souligne régulièrement que le système Trident est "une dissuasion nucléaire minimale, crédible et indépendante", affectée à la défense nationale et à celle de l’OTAN, mais sous contrôle exclusif du gouvernement britannique.

  2. Missiles Trident et coopération technique avec les États-Unis :

    • Les missiles balistiques Trident II D-5, déployés sur les sous-marins britanniques, sont effectivement de fabrication américaine, produits par Lockheed Martin. Ils sont acquis via un accord de coopération avec les États-Unis, notamment dans le cadre de l’US-UK Mutual Defence Agreement de 1958, renouvelé à plusieurs reprises (le dernier jusqu’en 2024).
    • Cependant, les ogives nucléaires qui équipent ces missiles sont conçues et fabriquées au Royaume-Uni, à l’Atomic Weapons Establishment (AWE). Ces ogives sont donc sous contrôle britannique, et leur intégration sur les missiles Trident est réalisée par les Britanniques eux-mêmes.
    • Les missiles sont entretenus dans un "pool" commun avec les États-Unis, basé à Kings Bay (Géorgie), mais cela ne signifie pas que les Américains peuvent bloquer leur utilisation. Une fois déployés sur les sous-marins britanniques, ils sont sous la responsabilité exclusive de la Royal Navy.
  1. Doctrine et posture :

    • La dissuasion britannique repose sur le concept de "Continuous At-Sea Deterrence" (dissuasion permanente en mer), avec au moins un sous-marin en patrouille à tout moment. Ce sous-marin peut agir indépendamment, sans consultation préalable avec un autre pays, si le Premier ministre en donne l’ordre.
    • La posture actuelle prévoit un maximum de 40 ogives par sous-marin en patrouille (sur un total de 16 missiles possibles), avec un arsenal global estimé à environ 225 ogives nucléaires (objectif de réduction à 180 d’ici le milieu des années 2020, bien que ce chiffre ait été révisé à la hausse en 2021 pour atteindre 260).

Le mythe du "double botte" ou d’une dépendance américaine totale

L’idée d’un "double botte britannique et américain" semble provenir d’une confusion ou d’une exagération, souvent relayée sur les réseaux sociaux ou dans certains débats médiatiques français. 

Elle pourrait découler de deux aspects mal compris :

  1. Coopération technique :

    • La dépendance technologique vis-à-vis des États-Unis pour les missiles Trident alimente parfois le soupçon que Washington pourrait "désactiver" ou "contrôler" à distance l’arsenal britannique. Cependant, il n’existe aucune preuve technique ou officielle d’un tel mécanisme. Les missiles, une fois livrés et armés avec des ogives britanniques, ne nécessitent pas d’autorisation américaine pour être lancés. Les systèmes de commande et de contrôle sont gérés par le Royaume-Uni.

  2. Perception française :
    • En France, où la dissuasion nucléaire est fondée sur une indépendance totale (y compris dans la fabrication des missiles M51), la coopération étroite entre le Royaume-Uni et les États-Unis peut être perçue comme une forme de subordination. Cette vision est renforcée par des différences doctrinales : la France insiste sur une autonomie stratégique complète, tandis que le Royaume-Uni a choisi une interdépendance technique avec les États-Unis tout en préservant sa souveraineté décisionnelle.

Mon analyse :

À mon avis, le Royaume-Uni dispose bel et bien d’une dissuasion nucléaire indépendante sur le plan opérationnel, ce qui est cohérent avec l’objectif même de la dissuasion : pouvoir répondre immédiatement et souverainement à une menace vitale. 

L’idée d’un "double avis" ou d’une nécessité d’approbation américaine en cas d’alerte nucléaire immédiate va à l’encontre de la logique stratégique d’une telle force. 

Si un veto américain existait, cela saperait totalement la crédibilité de la dissuasion britannique, ce que Londres ne peut se permettre, notamment dans le contexte de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Cela dit, la dépendance technique envers les États-Unis (pour les missiles et certains composants) introduit une vulnérabilité potentielle à long terme, par exemple en cas de rupture des relations bilatérales ou de restrictions sur les livraisons. Cependant, cette dépendance n’affecte pas l’emploi immédiat de l’arsenal existant. Les rumeurs sur un "double botte" semblent donc être une interprétation erronée ou une amplification de cette coopération technique, plutôt qu’une réalité opérationnelle.

En conclusion, la version officielle et les faits confirment que le Royaume-Uni maîtrise pleinement l’emploi de son arme nucléaire, sans soumission à un "double avis" américain, même si son système repose sur une collaboration étroite avec les États-Unis.  

Richard CANAC

31/03/2025.

 

Le Royaume-Uni confirme que les armes nucléaires sont « totalement indépendantes sur le plan opérationnel »

La dissuasion nucléaire du Royaume-Uni est totalement indépendante sur le plan opérationnel. Seul le Premier ministre peut autoriser l'utilisation de nos armes nucléaires, même si elles doivent être employées dans le cadre d'une riposte de l'OTAN.


 


 

La députée libérale démocrate Manuela Perteghella a posé une question écrite au ministère de la Défense, s'enquérant de l'indépendance de la dissuasion nucléaire du Royaume-Uni et des mesures visant à réduire la dépendance à l'égard des États-Unis pour les essais, la maintenance et le remplacement des missiles.

Sa question, soumise le 19 novembre 2024, était la suivante :

« Demander au secrétaire d’État à la Défense quelles mesures il prend pour garantir l’indépendance de la dissuasion nucléaire ; et s’il prendra des mesures pour réduire la dépendance à l’égard des États-Unis pour (a) les essais, (b) la maintenance et (c) le remplacement des missiles. »

Le ministre des Forces armées, Luke Pollard, a répondu :

La dissuasion nucléaire du Royaume-Uni est totalement indépendante sur le plan opérationnel. 

Seul le Premier ministre peut autoriser l'utilisation de nos armes nucléaires, même si elles doivent être employées dans le cadre d'une riposte de l'OTAN.

Pollard a ajouté :

Nous entretenons une relation étroite et de longue date avec les États-Unis sur toutes les questions nucléaires. Grâce à cette étroite collaboration, nous pouvons nous procurer certains composants non nucléaires auprès des États-Unis, notamment le missile Trident II D5, réduisant ainsi considérablement le coût de notre capacité de dissuasion nucléaire.

Nous avons déjà exploré ce sujet ici , l'un des mythes les plus courants autour du système est que les États-Unis contrôlent le système de missiles Trident du Royaume-Uni, ce qui n'est pas le cas.

Le système de missiles Trident est embarqué sur les quatre sous-marins britanniques de classe Vanguard, qui constituent la force de missiles nucléaires stratégiques du Royaume-Uni. 

Chacun de ces quatre navires est armé de 16 missiles balistiques sous-marins Trident II D5, chacun emportant jusqu'à 8 ogives.

La Royal Navy exploite le dispositif de dissuasion continue en mer du Royaume-Uni depuis 1967, lorsque le premier SSBN (navire submersible balistique nucléaire) HMS Resolution a commencé à patrouiller armé du système de missiles Polaris.

En 1996, le HMS Vanguard, premier sous-marin équipé du système de missiles Trident, est arrivé sur la Clyde et a pris le relais des patrouilles de dissuasion de la classe Resolution.

Les quatre sous-marins de la classe Vanguard constituent la force de dissuasion nucléaire stratégique du Royaume-Uni.

On dit souvent que le système d’armes nucléaires Trident du Royaume-Uni n’est pas « indépendant » ou que le Royaume-Uni n’a pas la capacité d’utiliser le système sans l’accord des États-Unis, mais en réalité, ce n’est tout simplement pas le cas.

Qui contrôle Trident ?

On dit souvent que le système d’armes nucléaires Trident du Royaume-Uni n’est pas « indépendant » ou que le Royaume-Uni n’a pas la capacité d’utiliser le système sans l’accord des États-Unis. En réalité, le Royaume-Uni conserve le contrôle opérationnel total du système.

Un argument courant est que les États-Unis peuvent simplement « désactiver » le système GPS et donc empêcher le Royaume-Uni d'utiliser Trident, c'est également un mythe, Trident n'est pas guidé par satellite.

Le missile utilise un système de guidage par visée stellaire et de navigation inertielle pour lire les étoiles afin de déterminer sa position et d'effectuer les ajustements nécessaires. Il ne nécessite pas de GPS.

Une source de confusion pourrait être le fait que, outre ceux actuellement déployés, les missiles loués sont conservés dans un parc commun de l'usine d'armes stratégiques américaines de King's Bay, en Géorgie, aux États-Unis, où la maintenance et le soutien en service des missiles sont assurés à intervalles réguliers.

Les missiles sont entretenus conjointement, ce qui est beaucoup moins cher que si le Royaume-Uni le faisait seul et ne donne pas aux États-Unis le contrôle sur aucune des armes déployées sur les sous-marins.

Le système nécessite-t-il des codes américains pour être lancé ?

Les missiles Trident exploités par les États-Unis sont contrôlés par le président des États-Unis via la chaîne de commandement de la marine américaine. La technologie de liaison d'action permissive empêche toute personne autre que le président ou une personne à qui il a délégué le contrôle d'autoriser un lancement.

En 2007, le gouvernement britannique a révélé que ses armes nucléaires n'étaient pas équipées de liaisons d'action permissive. Au lieu de cela, les bombes nucléaires britanniques destinées à être larguées par avion étaient armées par simple insertion d'une clé dans un cadenas simple, semblable à ceux utilisés pour protéger les vélos contre le vol. Le Royaume-Uni a retiré toutes ses bombes larguées par voie aérienne en 1998. Les ogives nucléaires britanniques actuelles, appelées Trident, peuvent également être lancées par un commandant de sous-marin avec le soutien de son équipage, sans qu'aucun code ne soit transmis par la chaîne de commandement.

Les missiles britanniques sont contrôlés par la chaîne de commandement de la Royal Navy, jusqu'au Premier ministre. En réalité, ce dernier prendrait la décision de lancement en accord avec ce qui reste du gouvernement britannique.

Le point essentiel ici est que le système de dissuasion britannique ne dispose pas d'un contrôle de liaison d'action permissif, ce qui signifie qu'il ne repose pas sur l'utilisation de codes pour déclencher le système. La flotte britannique de Trident s'appuie uniquement sur la discipline militaire pour empêcher un lancement.

En résumé, le Royaume-Uni conserve le contrôle opérationnel total, à tel point que les États-Unis n'ont pas pu l'empêcher d'utiliser le système. Une demande d'accès à l'information prouvant que le Royaume-Uni détient le contrôle opérationnel total de son système de missiles Trident peut être téléchargée ici .


https://ukdefencejournal.org.uk/uk-confirms-nukes-completely-operationally-independent/

 el »

mardi 4 mars 2025

 SOUTIEN AU PEUPLE UKRAINIENS 


Lettre à nos amis Ukrainiens,

Je tiens à vous exprimer tout mon respect et mon admiration pour votre courage et votre détermination. 

Vous vous battez depuis maintenant trois ans, et même depuis 2014, pour libérer votre pays de l’envahisseur sordide qui assassine, viole et torture en Ukraine et ailleurs, sous les ordres de ce tyran qu'est Poutine.

Les récentes déclarations de Donald Trump, affirmant que l'Ukraine pourrait devenir Russe, me révulsent et me mettent profondément en colère. En écoutant les médias ce matin, ce soir j’ai les larmes aux yeux, je ressens une tristesse immense pour votre peuple.

Il est question d’une négociation en Trump et Poutine l’assassin du peuple Ukrainien comme Le massacre de Boutcha est une série de crimes de guerre commis par l'armée russe pendant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, entre le 27 février et le 31 mars 2022, à Boutcha et dans d'autres localités sous occupation, au nord de Kiev. Des meurtres de masse, des exécutions sommaires, des viols et des actes de torture contre les civils ukrainiens. Et Marioupol …… !

Si je le pouvais, et surtout si j'en avais la force, je partirais en Ukraine avec le fusil de chasse de mon grand-père, qui a combattu pour la France en 1918 et en 1939.

Oui, je pleure pour vous avec une véritable émotion et des larmes sincères. Il est insupportable d'entendre de tels propos et de voir l'indifférence face à la souffrance que vous endurez.

L’Europe, la France, ainsi que notre président Emmanuel Macron et nos alliés européens mais également le Président Vlodimir Zelinsky doivent avoir une intelligente clairvoyance, mettre le bleu de chauffe et taper sur la table.

Cela nécessite d’ouvrir les yeux et agir avec détermination contre cette équipe de mafieux qui comprend non seulement la Russie, mais aussi certains acteurs sur la scène internationale. La solidarité et l'engagement sont essentiels dans cette lutte pour la liberté et la dignité.

Je vous envoie tout mon cœur en tant que Français et en tant qu'ami, convaincu que notre combat est le même.

Avec toute ma sympathie et surtout respect et soutien total.

Richard CANAC.




lundi 3 mars 2025

 

Quand la paix prépare la guerre !



Un chef d’État européen a aussitôt vu clair dans le scénario qui s’écrivait à la Conférence de Munich sur la sécurité (14 au 16 février), porté par la voix du vice-président américain J. D. Vance et inspiré par les présidents Trump et Poutine.

Ce chef d’État, c’est le président tchèque Petr Pavel, héritier direct du président tchécoslovaque Edvard Beneš, lâché par ses alliés face à Hitler le 30 septembre 1938 à Munich, par la France et la Grande-Bretagne. Pavel, ancien chef de l’état-major général de son pays, sait de quoi il parle : « Si les Européens et l’Ukraine étaient exclus des négociations, nous retomberions dans l’esprit de Munich, que la Tchécoslovaquie connaît bien… »

L’analogie, plusieurs fois évoquée ici même depuis l’agression russe contre l’Ukraine en 2022, faisait autrefois lever les yeux au ciel de nombre d’esprits forts, à commencer par l’ex-ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, Jean-Luc Mélenchon et tant d’autres, qui la jugeaient abusive, anachronique, paresseuse et hors de propos.

Les dealers transactionnels trumpiens face à Poutine ressemblent à s’y méprendre aux appeasers de 1938, partisans de tous les accommodements face à Hitler… Anatomie d’un traquenard.



1938 - 2025 : les cruelles leçons de la « paix à tout prix »


EDITORIAL - Il faut rappeler à toutes les générations amnésiques, aujourd’hui majoritaires, de la Seconde Guerre mondiale ce que fut l’abandon de la Tchécoslovaquie à Hitler le 30 septembre 1938. Au nom de la paix coûte que coûte. Le début d’une tragédie européenne dont nous pensions, près d’un siècle après, être convalescents. L’infernal engrenage recommence-t-il donc avec l’abandon en rase campagne de l’Ukraine et des Européens par les Etats-Unis de Donald Trump ? Anatomie d’un traquenard.






Un chef d’Etat européen a aussitôt vu clair dans le scénario qui s’écrivait à la Conférence de Munich sur la sécurité (14 au 16 février) par la voix du vice-président des Etats-Unis J.D Vance et sous inspiration des deux présidents américain et russe Trump et Poutine. Ce chef d’Etat, c’est le président tchèque Petr Pavel, successeur lointain du président tchécoslovaque Edouard Benes, lâché par ses alliés face à Hitler le 30 septembre 1938 à Munich par la France et la Grande-Bretagne.

Petr Pavel, ancien communiste qui fut chef de l’état-major général de la République tchèque, sait de quoi il parle quand il déclare : « Si les Européens et l’Ukraine étaient exclus des négociations, nous retomberions dans l’esprit de Munich que la Tchécoslovaquie connaît bien… » L’analogie fut plusieurs fois évoquée ici-même depuis l’agression russe contre l’Ukraine en 2022. Elle faisait alors lever les yeux au ciel nombre d’esprits forts. A commencer par l’ex-ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, l’ex-diplomate Maxime Tandonnet ou encore Jean-Luc Mélenchon et tant d’autres qui jugeaient l’analogie abusive, anachronique, paresseuse et hors de propos. Voir belliciste et provocatrice.

Deux livres d’histoire : « La paix impossible » et « Nous étions seuls »

On ne saurait donc trop recommander deux livres d’histoire qui ont, fait entendre au-delà des différences, nombreuses bien sûr, les résonances entre les deux séquences majeures de notre tragique histoire contemporaine. Il s’agit de Munich 1938 : la paix impossible (Perrin) de Maurizio Serra et Nous étions seuls (Tallandier) de l’ambassadeur Gérard Araud.

En matière de solitude, nous y revoilà, nous Français, nous Européens avec l’évaporation des garanties de défense en Europe décidées tout à trac et unilatéralement par Donald Trump.


Perrin et Tallandier

Solitude existentielle pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky, fou de rage contre son allié principal Donald Trump. Fou de rage comme le fut Edouard Benes en 1938 contre Paris et Londres et qui préféra démissionner plutôt que de présider au démantèlement de son pays.

Le cœur factuel de l’analogie, c’est la volonté de Poutine de s’emparer de l’Ukraine, toute l’Ukraine, en 2022 en s’appuyant sur les minorités russes de l’est ukrainien au mépris des traités. Comme Hitler avait utilisé, tel un levier d’Archimède, la minorité allemande de la région orientale tchèque des Sudètes en 1938 pour faire exploser le pays et s’ouvrir les portes du continent. Il suffisait d’avoir lu Bismarck pour comprendre l’enjeu : « Quiconque possède le quadrilatère de Bohême – le cœur de la Tchécoslovaquie est maître de l’Europe Centrale ».

« Nos engagements solennels avec la Tchécoslovaquie sont, pour nous, inéluctables et sacrés »

Une Tchécoslovaquie dont les frontières étaient pourtant garanties par le traité de Saint-Germain-en-Laye de 1919 et le traité d’amitié signé à Paris le 25 janvier 1924 par le président du Conseil de la République française Raymond Poincaré, et le ministre des Affaires étrangères tchécoslovaque Edouard Benes.

Le 20 et le 21 mai 1938, encore, l’Angleterre faisait prévenir Hitler que ni l’Angleterre ni la France ne toléreraient que les troupes allemandes envahissent les territoires tchèques. La France ne cessera d’ailleurs de proclamer la main sur le cœur son engagement à défendre l’intégrité territoriale tchécoslovaque. Le 12 juillet 1938, c’est le président du Conseil Édouard Daladier qui fait vibrer le verbe et les drapeaux : « Nos engagements solennels avec la Tchécoslovaquie sont, pour nous, inéluctables et sacrés ».

La couverture du Petit Parisien sur Daladier.

Archives

Quand deux ans auparavant, le 2 mars 1936, l’ambassadeur français Victor de Lacroix remettait ses lettres de créance à Edouard Benes, il insistait sur les « liens anciens » de Paris avec Prague qui « font de nos relations une relation si intime, si amicale, si unie qu’elle est, dans nos jours agités, un point fixe, sûr et immuable ». En quelques mois, tous ces serments, tous ces engagements sur l’honneur et l’éternité, toute cette granitique confiance vont se déliter dans de byzantines palinodies.

Chamberlain à Edouard Benes : « Si vous n’acceptez pas le plan, vous aurez à régler tout cela directement avec l’Allemagne »

Précisément ce que l’on observe aujourd’hui, avec la défection américaine vis-à-vis et de l’Europe et de l’Ukraine.

Jusqu’à l’humiliation. Jusqu’à l’effacement de Zelensky, qualifié par Donald Trump de « dictateur non élu ». À la Conférence de Munich de 1938, Edouard Benes est lui aussi persona non grata et c’est la police et la Gestapo, rapporte Antoine Marès dans sa biographie du président tchécoslovaque (Perrin), qui amenaient deux malheureux diplomates tchèques somnambules le 25 septembre non pas à la conférence mais à l’hôtel Regina, où ils continuent d’être étroitement surveillés.

À 22 heures, sur ordre de Chamberlain, deux conseillers britanniques Horace Wilson et Frank Ashton-Gwatkin leur présentent le plan des annexions. A prendre ou à laisser : « Si vous ne l’acceptez pas, vous aurez à régler tout cela directement avec l’Allemagne. »

Édouard Daladier, le président du Conseil français, le « taureau du Vaucluse » qui a rentré ses cornes a honte mais il a déjà cédé depuis longtemps. C’est depuis le 18 septembre au soir que l’establishment français, avec l’appui de Georges Bonnet, secrétaire général du Quai d’Orsay, et du général Gamelin, toujours passif, toujours attentiste, a cédé sur toute la ligne à sa « gouvernante anglaise » selon la cruelle formule de l’époque.

Le clan des « apeasers » londoniens ressemble aux « dealeurs » trumpiens

A Londres, l’inspiration du clan de l’apaisement et de la paix à tout prix, les « apeasers », ressemble en fait beaucoup à celle de Donald Trump aujourd’hui. Deux germanophiles, qui sont surtout soucieux du business et des nombreux engagements financiers des banques anglaises en Yougoslavie ou en Roumanie et de la paix avant tout, sont à la manœuvre à Londres : Lord Halifax, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et Lord Runciman, un armateur et homme d’affaires industriel, qui préparent le terrain depuis longtemps en lien avec les intérêts de la City.

Bernard Lavergne dans son Munich, défaite des démocraties écrit en 1939, en rajoute une louche : « Soit par peur du bolchevisme, soit que les firmes anglaises qui avaient prêté ces capitaux aient craint de voir les pays danubiens devenir insolvables si la guerre éclatait, soit enfin que la Cité ait obéi une fois de plus et sans réflexion à ses sentiments pro-allemands, il est de notoriété publique qu’elle a pesé de tout son poids dans le sens d’une politique anglaise aussi peu ferme et aussi évasive que possible. »

Une carte postale allemande sur les accords de Munich de 1938.

Archives

Dans son rapport de « médiation » qui va servir de fil rouge au Premier ministre britannique Chamberlain, il est vrai que son son émissaire Lord Runciman ne préconise rien de moins face à Hitler que le modèle… helvétique pour Prague ! « Il est essentiel pour la position internationale de la Suisse que sa politique soit entièrement neutre, de même une politique analogue est nécessaire pour la Tchécoslovaquie, non seulement pour son existence future, mais pour la paix de l’Europe. »

A peu de chose près ce que la nouvelle administration américaine et Poutine concoivent pour l’Ukraine.

Quid de la neutralité sans capacité de défense ? C’est exactement la même interrogation qui prévaut aujourd’hui sur le statut de l’Ukraine.

Du coup, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain, qui ne connaissait pas grand-chose aux questions diplomatiques fonce à la poursuite de la « paix à tout prix ». Il est pris de panique dès que Hitler se lance, comme le 12 septembre à Nuremberg, dans un discours fulminant et menaçant. Panique contagieuse : « Il fut décidé à Paris, rapporte Lavergne, que M. Daladier téléphonerait sur l’heure dans la nuit du 13 au 14 à M. Chamberlain pour suggérer qu'« une procédure exceptionnelle » soit mise en action pour apaiser la fureur du chancelier et « sauver la paix ». »

On comprend mieux l’attitude à la fois défaitiste, ignorante et désinvolte que Chamberlain exprime de façon pathétique le 27 septembre. Soit quarante-huit heures seulement avant la conférence de Munich : « Qu’il est horrible, cauchemardesque, que nous soyons contraints de creuser des tranchées dans nos parcs et d’essayer des masques à gaz, à cause d’une querelle dans un pays lointain entre des gens dont nous ne savons rien. »

Au désespoir du Français Guy Monod, chargé du chiffre à la légation de France à Prague, qui note dès le 19 septembre : « On lâche tout, crevant de peur devant les dictateurs, d’avoir à faire la guerre. On lâche les Tchèques contrairement à toutes les assurances données trois jours avant. »

Il faut cependant rappeler que dans ce mol affaissement, ce concours de lâchetés qu’on rebaptise réalisme, des hommes, et pas des moindres, à Londres et à Paris, n’ont cessé de dénoncer la tétanie.

Ceux qui disaient non : Winston Churchill, Georges Mandel, Pierre Cot….

Citons côté français Pierre Cot, ex-ministre du Front Populaire, et Georges Mandel, député et ancien collaborateur de Clemenceau, Et côté anglais : Winston Churchill, alors député, et le Premier Lord de l’Amirauté Duff Cooper. Cot et Mandel encouragent même Benes à résister militairement pour forcer la France à s’engager.

On le sait peu mais quand le gouvernement tchèque mobilise le 22 septembre, des manifestants envahissent les rues à Prague pour demander des armes, convaincus qu’ils sont que les démocraties et l’URSS ne pourraient rester à l’écart du conflit.

A Paris, un général français, Louis-Eugène Faucher présente sa démission au général Gamelin le 23 septembre et se met à la disposition de l’armée tchécoslovaque. Ce qui lui vaudra un blâme…

Bernard Lavergne dans son livre Munich, la défaite des démocraties rapporte aussi que Duff Cooper démissionne de son poste prestigieux. Il s’explique le 4 octobre aux Communes : « Ce n’est pas pour la Serbie que nous nous sommes battus en 1914 ni même pour la Belgique. Nous nous sommes battus alors, comme nous nous serions battus la semaine dernière, afin qu’il ne soit pas dit qu’une grande puissance pouvait mépriser ses obligations ni dominer l’Europe par la force brutale. J’ai essayé d’avaler les stipulations de l’accord de Munich, mais elles me sont restées dans la gorge. J’ai ruiné ma carrière politique, mais cela n’a pas d’importance. Je puis encore marcher la tête haute. »

Lâcher la Tchécoslovaquie, ce sera abandonner à Hitler une des régions industrielles les plus performantes d’Europe

Certes, on peut se féliciter qu’aujourd’hui, la présidence française semble pour l’heure sans ambiguïté sur l’engagement de Paris aux côtés de l’Ukraine. Mais aux deux extrêmes du paysage politique français et parmi nos alliés européens, rares sont eux qui s’engagent sur des garanties fermes sous une forme ou sous une autre pour assurer la viabilité de ce qui restera de l’Ukraine dès lors que les Américains se retirent…

Valses hésitations qui, en 1938, ont miné et ruiné la « Petite Entente » conçue par la France entre la Tchécoslovaque, la Roumanie et la Yougoslavie. Or, en 1938, l’armée allemande n’était pas encore, loin de là, celle de 1940. Elle était encore vulnérable.

Et quoi qu’il en soit, lâcher la Tchécoslovaquie, ce sera abandonner à Hitler une des régions industrielles les plus performantes d’Europe. Un peu comme aujourd’hui, laisser les terres rares de l’Ukraine orientale à Vladimir Poutine en reconnaissant la légitimité de leur annexion.

Sait-on, rappelle Maurizio Serra que, en 1940, un tiers des tanks de la Wehrmacht qui se déverseront sur le front occidental auront été produits par les usines Skoda annexées par Berlin ?

Un vent mauvais qui souffle sur une Europe en morceaux

Car Hitler ne se contentera pas des Sudètes en Tchécoslovaquie. Chamberlain prétendait avoir sauvé la paix « pour plusieurs générations ». Or dès mars 1939, Hitler viole « ses » accords de Munich six mois après les avoir dictés et paraphés. La Wehrmacht envahit et occupe le reste de la Bohême et de la Moravie pour y établir le protectorat de Bohême Moravie, et la République slovaque devient un État « indépendant », contrôlé par le Reich.

Et Hitler ne cachait pas dès 1937 que ce n’était qu’un début. Qu’il s’agissait d’élargir son espace vital à l’est au nom d’une paix juste et sûre. Comme Poutine ne cache pas sa volonté de revenir à des frontières d’avant 1990 et de neutraliser son « étranger proche » qu’il s’agit de contrôler directement ou indirectement. Des pays baltes, à la Géorgie en passant par la Moldavie et en mettant en avant les minorités russes.

Du Munich de 1938 au Munich de 2025 – celui du discours de J.D Vance –, c’est bien un vent mauvais qui souffle sur une Europe en morceaux. A la merci de la force nue. Au nom de la paix. Gérard Araud qui récuse la symétrie entre 2025 et 1938, tire cependant une leçon qui vaut à la fois pour 2025 et 1938 : « Il n’y a pas de politique étrangère sans un horizon de recours à la force, écrit-il. Le rapport entre les deux est paradoxal : en venir au second prouve que la première a échoué, mais celle-ci ne peut espérer réussir que si l’interlocuteur est convaincu que celui-là n’est pas exclu. »

A ce jeu-là, à cette agilité dans le bluff et la pratique de la terreur verbale et physique, à l’usage de la menace d’apocalypse, Poutine aujourd’hui comme Hitler hier, sont des virtuoses.

Et les démocrates restent des cancres.